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Semaine de rando à ski au Val Pô, Italie

Semaine de randonnée à ski dans le Beaufortain (F)

Etant donné les circonstances mondiales spéciales et dramatiques de ce début mars 2020, ce récit ne devrait pas rester dans les annales des événements joyeux de la section. A l'heure de l'écrire, le pic de contamination du virus de la grippe Covid 19 n'est pas encore atteint.

Vendredi 13 (même pas peur…), des premières dispositions cantonales sont prises pour tenter de maîtriser l'évolution de cette méchante grippe, très contagieuse.

Samedi 14, le départ est prévu vers midi. Alexandre, notre président, et Néné nous font part de leur détermination courageuse à privilégier le choix de ne pas s'exposer d'avantage et de rester à la maison. Véro a un refroidissement et préfère s'assurer que ce n'est pas la grippe. Elle propose de nous rejoindre dans un jour ou deux si tel n'est pas le cas.

On se concerte et décidons de partir malgré tout. Les signaux ne sont pas encore au rouge, et nous pensons, à raison ou à tort, que l'air des montagnes de Savoie ne sera pas plus dangereux. Nous ne devrions pas côtoyer un trop grand nombre de semblables.

Nous arrivons au gîte Viallet, dans le hameau de Le Bersend, au-dessus de Beaufort en cours d'après-midi. Notre guide Sylvain est déjà sur place. La météo est au beau fixe. L'air est quand même assez frais, mais on nous promet de ne pas avoir froid. Le printemps se profile déjà.

Nous, ce sont Jean-Marie, qui a organisé tout ça (les bonnes choses, pas ce satané …virus), Sandrine, Lulu et Roby, Moteur et moi-même.

Les discussions tourneront beaucoup autour du « sujet », tantôt sur un ton dramatique, et tantôt sur le ton habituel de la plaisanterie, des fois que ça ait un effet thérapeutique…

Une bonne nuit de sommeil et nous voilà partis dimanche matin de bonne heure pour s'attaquer à un sommet visible depuis le gîte, la Légette du Mirantin (env. 2350m). Une belle pente nord-est que nous atteignons après un petit 1200m, en partant du lieu-dit Ladray, juste au-dessus de Arêches. Nous passons par une butte, avant de devoir redescendre quelques mètres sur un flanc nord assez dur et traverser des coulées durcies. Ensuite, une grande cuvette, avant de s'attaquer à cette belle face bien exposée, qui se termine les 300 derniers mètres par un petit 35°. La neige est encore dure, et les derniers 50 mètres se font à pied avec les skis sur le sac. Le sommet nous offre un superbe coup d'œil sur le Mont-Blanc et la Pierra Menta, pour ne citer que les connus.

Les pentes de tous côtés nous offrent de beaux dessins en arabesques, certainement faits par des rigoles dues à la pluie (il a plu jusqu'à 2400m ces derniers jours).

La descente est belle, grâce à une couche ramollie, juste ce qu'il faut ! Nous hésitons un peu pour profiter un maximum des pentes, quitte à nous éloigner de notre point de départ : nous avons de la chance (surtout le flair du guide) de retrouver une route qui nous ramène sur la trace de montée. Les derniers virages sur une neige de printemps, jusqu'à la limite de la neige… devant les voitures !

Il fait soif. A Arêches, les monte-pentes sont fermés et les restaurants également. Une ou deux personnes sur une terrasse : on demande et le tenancier accepte de nous servir malgré tout. Satanée ambiguïté de choisir entre la crainte (de côtoyer des gens de trop près) et le plaisir (le dilemme de Milou et son ange contre son démon…). Finalement, on ne prend que le risque du service par un gars très sympa, qui a le bagou à Colombin, et un accent que, personnellement, je n'ai encore jamais entendu. L'ambiance commence vraiment à être spéciale, hors du temps, hors du monde.

Ça continue à notre arrivée au gîte, les consignes se renforcent : ils n'ont plus le droit de servir au restaurant, mais ne peuvent tout de même pas nous mettre dehors. « Entre les lignes », nous allons donc manger dans nos chambres (définition de la chambre à éclaircir…).

Sans détermination précise et définitive, nous concernant, de la situation en France et encore moins celle de Suisse (même si, logiquement, la prudence est de mise), nous décidons de partir en course demain. Sylvain est ok. Mais ça sent le roussi, et on le communique à Véro pour lui éviter de nous rejoindre.

Lundi 16, nous partons par Haute-Luce (nous avons les Saisies sur la gauche de notre direction) et laissons les voitures à Annuit. L'itinéraire nous fait monter dans les bords d'un torrent. Le manque de neige et la pente requièrent un portage des skis. Nous grimpons un sentier dans la forêt avant de rejoindre la limite supérieure des sapins et de changer complètement de décor. La suite de notre progression se fera dans un monde particulier de « dunes » immenses encerclées de gorges profondes. Le tout dessiné comme hier d'arabesques verticales tracées par la pluie.

Pas de technique compliquée. Le principal souci de Sylvain étant de trouver un itinéraire de descente qui évite le passage en forêt que nous avons fait à la montée.

Nous atteignons un sommet arrondi dans cet ensemble nommé les Enclaves. Les Rochers des Enclaves plus précisément, à environ 2300m.

De nouveau un superbe coup d'œil sur le Mont-Blanc ! Egalement un point de vue sur le barrage de la Girotte, barrage à voûtes multiples, dont on voit bien la forme, car libre d'eau.

Pour la descente, Sylvain nous fait passer dans des dédales de raies profondes avant de se retrouver au-dessus de pentes assez raides, que nous pouvons prendre, grâce à la neige suffisamment ramollie. Un bout de route, puis encore quelques derniers virages dans les prés, avant la route, un peu plus bas que les voitures. Ce seront les derniers de la semaine, bouh !!

Pour le deuxième jour consécutif, après une petite restauration servie par Colette, tenancière sympa et volontaire, nous passons le reste de l'après-midi au soleil : parasol, boissons houblonnées, ou pas, et toujours le « sujet » ! Toujours ce big dilemme de rester ou rentrer.

Finalement, les circonstances décident pour nous, à plus d'un titre, même si nous ne nous sentons pas plus en insécurité sanitaire ici que chez nous : Sylvain ne peut plus nous accompagner pour une histoire de priorité aux soins (il ne doit pas prendre le risque d'un accident et de péjorer les urgences sanitaires) et Colette ne pourra plus nous servir. Nous devons rentrer. On reste quand même pour la nuit, par solidarité envers nos aubergistes sympas, et… par plaisir.

Dans la soirée de lundi, le président Macro prend le micron (ou le contraire…) pour affermir les dispositions sanitaires au niveau national. La Suisse rappelle les 6 derniers ressortissants encore à l'étranger (ça doit être nous…)

Nous partons mardi matin. Quelques emplettes à Beaufort pour soutenir le commerce local (avec les distances recommandées) et nous prenons la route. Nous ne sommes par très loin, finalement... Sauf qu'à la douane franco-suisse, c'est la gabegie !!!, et le retour sera très long !

Nous sommes forcément déçus d'écourter une semaine si prometteuse, mais sommes conscients d'avoir un peu bravé les consignes qui venaient de plus en plus précises par rapport à la gravité de la situation.

Situation qui, même que dramatique, ne divisera en rien nos amitiés de montagnards.

                                                                                              Michel Villard